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Exhumer le réel

« Savoir regarder là où il n’y a rien à voir. »

Guetter le silence, âpre domaine. Débris et poussière ont-ils leurs propres langages ? Peut-on être un archéologue du présent ? Les pièces abandonnées nous chuchotent-elles que les rues sont vides ? L’artiste est-il un arpenteur du passage ? Où sont les êtres ?

Chuchotement-muet : « dans leurs traces. »

Humanité nulle part, humanité partout. Vécu, passage, effacement, trou, débris, barre, brique, des îlots de l’oubli. Les nuits noires de Caroline Leite éclairent le jour.

Témoignages de ceux qui ne peuvent témoigner, cailloux, poussière, fissure, lambeaux, cassure. Les pièces vides, les objets abandonnés, les allées désertes sont humains. Être seul, savoir s’habiter. Tomber en miette. Se désintégrer. Le temps n’a plus le temps.

Béton localisé, rouille datée, paysage urbain contemporain. La décrépitude n’est pas laide. Elle est le miroir de ce qui s’abandonne, avec le temps. C’est à se demander : à quoi pense ce mur troué, cette fenêtre cassée, cette brique laminée, cette porte enfoncée ? C’est à se demander, surtout, à quoi on pense.

Ivresse désertique architecturale, dédale de souvenir, visage emmuré vivant. Plafond éventré, fissure murale cicatrice.

L’évanescence. Présent éthéré, interchangeable. En tout monde, il y a des lieux, en
tous lieux il y a des mondes. Caroline Leite les exhume. Le caché devient visible, l’invisible redevient caché, reste le moment.
Ballade dans la perception du temps. La brûlure est vive. Car le temps se brûle, s’abandonne, se dissout, se dilate, s’éternise, se raccourcit. Comment le voir sans y voir ce que l’on voit ? Exercice
complexe. Récupérer des morceaux de la réalité, récupérer des réalités en
morceaux, se trouver en face de l’absence, se trouver dans sa propre absence même, l’habiter, la vivre, lui donner un corps, décor temporaire.

Des paysages qui disparaissent aussitôt avant d’apparaître aux pièces tombeaux, libre à chacun de voyager en compagnie de ses propres absences et débris, de ses allées et de ses détours,
d’exister dans l’aller simple au royaume des aller-retours.

La présence humaine brille par son absence. La question, immémoriale, infiniment longue et pourtant très courte, Caroline Leite au travers de sa recherche la repose avec douceur : qui sommes-nous ?

Andrea Siri

Audierne
Année2016-2021PhotographiePhotographies numériques Impression charbon sur films, Tirage pris entre deux plaques de verre serties par une bande de plomb sur socle métal 30 × 40 cm, Tirage argentique sur béton, Tirage argentique sur papierTirageSérie limitée à 7 tiragesFormat30cm*40cmShare
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